Soutenance de thèse de Loïc ALOISIO

Ecole Doctorale
Langues Lettres et Arts
Spécialité
LANGUES ET LITTERATURES D'ASIE : Chinois
établissement
Aix-Marseille Université
Mots Clés
science-fiction,littérature,Chine,traumatisme,témoignage,politique mémorielle
Keywords
science fiction,literature,China,trauma,testimony,politics of memory
Titre de thèse
Les Mémoires hérétiques : Han Song face à la politique mémorielle chinoise ou la science-fiction comme littérature de témoignage
Heretical Records: Han Song Facing Chinese Memory Politics or Science Fiction as a Literature of Testimony
Date
Friday 4 December 2020 à 9:00
Adresse
Faculté des arts, lettres, langues et sciences humaines d'Aix-Marseille 29 Avenue Robert Schuman 13100 Aix-en-Provence
D317
Jury
Directeur de these M. Pierre KASER Aix Marseille Université
Rapporteur M. Yinde ZHANG Université Sorbonne Nouvelle Paris 3
Rapporteur M. Vincent DURAND-DASTèS Inalco Paris
Examinateur M. Alexis NUSELOVICI Aix-Marseille Université
Examinateur Mme Solange CRUVEILLé Université Paul Valéry Montpellier 3
Examinateur M. Gwennaël GAFFRIC University Lyon Jean Moulin

Résumé de la thèse

La première partie de la thèse démontre que la littérature de science-fiction chinoise, à travers son Histoire, a toujours été une littérature « post-traumatique ». En effet, le genre fut promu de nombreuses fois au travers de mouvements de modernisation du pays qui ont été lancés après les traumatismes historiques éprouvés par le pays. La première fois à la fin de l’époque impériale et au début de l’ère républicaine, suivant le(s) traumatisme(s) causé(s) par les invasions des puissances étrangères, l’introduction de la science occidentale et de la théorie de l’évolution darwinienne ; ainsi que de son pendant social avec le darwinisme social. Une deuxième fois après l’établissement de la République Populaire de Chine, suivant les traumatismes provoqués par de nombreux conflits internes, la Seconde Guerre sino-japonaise et la guerre civile entre Nationalistes et Communistes ; le genre étant promu à l’époque pour soutenir le socialisme et le communisme, ainsi que la modernisation, l’indépendance et l’hégémonie de la Chine socialiste. Une troisième fois juste après la Révolution Culturelle, suivant cette fois-ci les traumatismes laissés par le Grand Bond en Avant et la Révolution Culturelle ; le genre étant cette fois mis en avant pour promouvoir le nouveau régime de Deng Xiaoping et sa politique des « Quatre Modernisations ». Et enfin, une quatrième fois, où la science-fiction est réapparue après le traumatisme causé par le massacre de la place Tian’anmen en 1989 qui mit fin aux espoirs insufflés par les mouvements libertaires des années 1980 ; laissant ainsi place à une désillusion qui se ressent jusque dans les textes des premiers auteurs de la nouvelle génération (Liu Cixin, Wang Jinkang et Han Song), et qui perdure de nos jours dans les écrits des auteurs plus jeunes. La seconde partie de la thèse traite justement de l’impact de cette désillusion causée par le massacre de le place Tian’anmen, à travers le cas de Han Song. Cette partie entend démontrer que, suite au choc laissé par cette tragédie dont on ne doit pas parler, Han Song utilise désormais la science-fiction pour rendre compte non seulement de la réalité qui l’entoure, ne se privant pas pour critiquer au passage les travers des autorités, mais également comme un moyen de témoigner d’un passé effacé des mémoires pour des raisons idéologiques. Ceci révèle que Han Song a pris conscience de la politique d’amnésie mise en place par le Parti Communiste Chinois au pouvoir, et qu’il tente de déjouer par ses écrits, en abordant des événements passés jugés sensibles ou qui ne rentrent pas dans l’historiographie officielle, en remettant en cause le grand roman national élaboré par le Parti, en posant clairement la question de l’oubli et de la falsification historique, et en laissant un témoignage de la société chinoise contemporaine, par peur que les événements qui la ponctuent ne soient, un jour, eux aussi victimes de la falsification, de l’instrumentalisation ou de la politique d’amnésie des élites dirigeantes.

Thesis resume

The first part of this doctoral thesis aims to demonstrate that Chinese science fiction literature has been a “post-traumatic” genre throughout its history. Indeed, the genre was promoted several times through modernization movements which were launched after traumas sustained by the country. The first time was in the late Qing period following the trauma(s) left by foreign invasions, the introduction of Western science, Darwinian theory of evolution, and social Darwinism. After the establishment of the People’s Republic of China in 1949 the genre was put back in the center of the stage following the traumas provoked by numerous internal conflicts, the Second Sino-Japanese War, and the civil war between the Nationalists and Communists. Back then science fiction was used to promote socialism and communism together with the modernization, independence, and power of socialist China. Right after the Cultural Revolution the genre was called for once again following the traumas generated by the Great Leap Forward and the Cultural Revolution; it was thus used to promote the new regime of Deng Xiaoping and his well known policy of the Four Modernizations. Finally, science fiction rose again at the beginning of the 1990s following the trauma caused by the Tian’anmen massacre in 1989 which put an end to the hopes insufflated by the libertarian movements of the 1980s, thus leading to a disillusionment which is reflected even in the works of the first authors of the new wave of Chinese science fiction (such as Liu Cixin, Wang Jinkang, and Han Song), and which still persists nowadays in the works of the younger authors. The second part addresses precisely the impact of this disillusionment caused by the Tian’anmen massacre in the case of Han Song. This part aims to demonstrate that, following the shock left by this unspoken tragedy, Han Song henceforth uses science fiction to report on the reality that surrounds him (not hesitating to criticize the authorities) and also as a means of giving testimony to a past erased from memories for ideological reasons, revealing that Han Song is aware of the policy of amnesia established by the Chinese Communist Party and trying to thwart it through his writings. To that end he mentions past events deemed to be sensitive or that don’t match the official historiography. He calls into question the great national myth elaborated by the Party. He clearly raises the question of forgetfulness and historical falsification, and he leaves testimony to the contemporary Chinese society so that none of these events will ever be a victim of the falsification, manipulation, or policy of amnesia of the ruling elites in the future.