Soutenance de thèse de Mathilde MOUGIN
Ecole Doctorale
Langues Lettres et Arts
Spécialité
LANGUE ET LITTERATURES FRANCAISES
établissement
Aix-Marseille Université
Mots Clés
Récits de voyage,XVIe-XVIIe siècles,corps,pré-anthropologie,théorie des climats,race
Keywords
Travel literature,16th-17th centuries,race,pre-anthropology,body,theory of climates
Titre de thèse
De l'expérience des corps à la fabrique dune « science » de lhomme : discours pré-anthropologiques dans la littérature de voyage (1578-1721)
From the experience of bodies to the making of a science of man: pre-anthropological discourses in travel literature (1578-1721)
Date
Jeudi 21 Décembre 2023
à 14:00
Adresse
29 avenue Robert Schuman
13100 Aix-en-Provence
Salle de colloque 1
Jury
Directeur de these | Mme Sylvie REQUEMORA | Aix Marseille Université |
Rapporteur | M. Gilles BERTRAND | Université Grenoble Alpes |
Rapporteur | Mme Marie-Christine PIOFFET | York University |
Examinateur | Mme Ashley M. WILLIARD | University of South Carolina |
CoDirecteur de these | Mme Anne CAROL | Aix-Marseille Université |
Examinateur | M. Rafael MANDRESSI | CNRS, Centre Alexandre-Koyré |
Examinateur | M. Grégoire HOLTZ | Université Paris-Saclay |
Président | M. Frédéric TINGUELY | Université de Genève |
Résumé de la thèse
Cette thèse a pour objet létude de la représentation du corps et de lêtre humain dans un ensemble de récits de voyage de la fin du XVIe siècle et du XVIIe siècle réalisés en Amérique (Jean de Léry, Marc Lescarbot), aux Antilles (Jean-Baptiste Du Tertre), en Orient (Robert Challe, Jean-Baptiste Tavernier, François Bernier), en Afrique (Pierre-Martin de La Martinière, Pidou de Saint-Olon, Froger), ainsi quen Europe (Montaigne), complété par un corpus iconographique tiré de la littérature géographique contemporaine (Atlas de Blaeu, recueils de costumes, etc.). Quil soit le fruit dun voyage en Amérique, continent incarnant alors lexotisme le plus radical (Léry, Lescarbot), ou dun voyage en Orient (Tavernier, Bernier), dont la plus grande proximité nannule pas la distance morale, le récit de voyage restitue une expérience du corps inédite en même temps quil accorde à lautre une place privilégiée. LAmérindien, le Turc, le Moghol, lAfricain sont en effet autant davatars daltérité que le voyageur semploie à décrire, en même temps que de potentiels alter ego avec lesquels il établit un contact et une interaction à loccasion dun séjour plus ou moins long en terre étrangère. Ainsi, le corps est à la fois un opérateur de décentrement et un centre épistémologique par lequel le voyageur accède à de nouveaux savoirs sur lhomme quil met en forme dans son récit aux dimensions pré-anthropologiques, et dont la forme homodiégétique constitue un espace privilégié dans lequel sélaborent et saffinent sa méthode ainsi quune réflexivité propre à la « science ». En effet, soucieux de décrire fidèlement les populations rencontrées, les voyageurs envisagent tout dabord laspect physique de celles-ci, puis leurs ornements et vêtements pour les inscrire dans leur environnement social, avant de détailler leurs coutumes en matière dunions, de nourriture, de culte ou encore de justice. En outre, les voyageurs manifestent véritablement le désir de produire une « anthropologie » comprise plus généralement comme une « science » de lhomme, insérant pour cela le matériau ethnographique recensé dans une pensée plus large de lêtre humain. Ils proposent alors une taxinomie des « espèces » humaines qui participe à une racialisation progressive de laltérité, jusqualors surtout envisagée à travers le prisme de la tradition de la caractérologie morale des climats.
Thesis resume
The aim of this thesis is to study the representation of the body and the human being in a set of travel narratives from the late 16th and 17th centuries, written in America (Jean de Léry, Marc Lescarbot), the Caribbean (Jean-Baptiste Du Tertre), the Orient (Robert Challe, Jean-Baptiste Tavernier, François Bernier), Africa (Pierre-Martin de La Martinière, Pidou de Saint-Olon, Froger), as well as in Europe (Montaigne). This study is supplemented by an iconographic material drawn from contemporary geographical literature (Blaeu's Atlas, costume collections, etc.). Whether resulting from a journey to America, a continent that embodied the most radical form of exoticism at the time (Léry, Lescarbot), or a journey to the Orient (Tavernier, Bernier), where greater proximity does not prevent moral distance, the travel narrative conveys a unique bodily experience while granting a privileged place to the other. The Amerindian, the Turk, the Mughal and the African are all avatars of otherness that the traveler sets out to describe, as well as potential alter egos with whom they establish contact and interaction during a more or less extended stay in foreign lands. Thus, the body is both an agent of decentering and an epistemological center through which the traveler gains new knowledge about humans, which is shaped in their pre-anthropological narrative. The homodiegetic form of the narrative constitutes a privileged space for the elaboration and refinement of the traveler's method as much as a reflexivity specific to 'science.' As they endeavor to provide a faithful description of the encountered populations, travelers first consider their physical appearance, then their ornaments and clothing to contextualize them in their social environment, before detailing their customs regarding unions, food, worship, or justice. Furthermore, the travelers genuinely express the desire to produce an 'anthropology,' understood more broadly as a 'science' of humankind, incorporating the ethnographic material collected into a broader thought about the human being. They propose a taxonomy of human 'species,' contributing to a progressive racialization of otherness, which until then had been viewed mainly through the prism of the tradition of moral characterology of climates.